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BENUTS, un drôle d’effet

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Brabant wallon  / La Hulpe

Par François Colmant

Spécialisée dans les effets spéciaux et le motion design, la société Benuts commence à se faire un nom dans le secteur.

 

À de rares exceptions près, les effets spéciaux ont toujours intrinsèquement fait partie du cinéma. Des films de George Méliès au dernier Star Wars, le travail hors plateau mobilise talents et ressources pour enrichir et parfaire une oeuvre cinématographique. Depuis une vingtaine d’années et l’avènement des technologies numériques, il est devenu rare qu’un projet audiovisuel ne passe pas par la case effets visuels, même pour des projets au budget limité.

 

Du tapis volant aux toits de Paris

Dans ce domaine, la société Benuts, basée à La Hulpe, s’est forgée une solide réputation en l’espace de cinq ans à peine. Dans ses locaux, où fourmille une armée de graphistes, de spécialistes de l’animation 3D et du motion design, on retravaille, on efface, on implémente différents éléments pour rendre plus vrais que nature les plans et séquences de films et séries télévisées. « Finalement, le meilleur effet visuel est celui qu’on ne voit pas, avertit d’emblée Michel Denis, son directeur. Toute la difficulté – et la beauté – de notre métier est d’obtenir un rendu suffisamment réaliste afin qu’il devienne invisible aux yeux du spectateur. » Quoi de mieux en effet que de tourner un film d’époque au sein de décors naturels ? Mais si ce genre de lieux est relativement aisé à trouver en Europe par exemple, rares sont ceux qui demeurent tels qu’ils furent il y a des dizaines d’années ou plus. « Sur ce genre de projets, une grande partie du travail consiste alors à gommer et effacer toute une série d’anachronismes qui viendraient gâcher l’effet immersif du film. Il faut donc enlever les antennes sur les toits, les velux, les panneaux photovoltaïques sur chaque plan. En bref, tous ces éléments qui peuvent attirer le regard du spectateur et le sortir du film. » Un travail de bénédictin qui peut paraitre fastidieux mais qui présente l’avantage d’être beaucoup plus économique et pratique qu’une intervention directe sur le décor proprement dit. « Nous pouvons intervenir sur de nombreux paramètres qui vont donc de la correction d’éléments du décor à la création d’objet, leur articulation dans une séquence, ou une intégration d’acteurs sur fond vert. Ce que l’on fait beaucoup sur les plans dits intérieur voiture par exemple. On peut également animer de toute pièce un objet avec lequel interagit un acteur.» Sur Les Nouvelles Aventures d’Aladin, l’équipe de Michel Denis s’est attelée, entre autres, à entièrement animer le tapis volant.

Et si, d’aventure, le film doit se tourner en studio, Benuts peut sans problème assurer l’extension du décor afin de « sortir » l’action de son environnement artificiel. « Nous sommes récemment intervenus sur un film où la majeure partie de l’histoire avait lieu sur les toits de Paris. Vu les contingences techniques et logistiques, il était bien plus évident pour l’équipe du film de tourner les séquences en studio, dans des décors réalisés par une équipe spécialisée. Une fois que les plans sont dans la boîte, nous intervenons pour les intégrer à des prises de vues réelles de la ville, conformément aux souhaits du réalisateur. » Et l’équipe de Benuts de recréer les toits et l’architecture caractéristiques de Paris afin de rendre l’histoire plausible et réaliste. Dans un autre projet, c’est à la multiplication de foule que la société wallonne s’est attelée. « Pour filmer une salle pleine, il suffit de quelques dizaines de figurants que l’on place à différents endroits de la salle avant de les dupliquer pour donner l’impression que l’endroit est comble. » Simple et efficace !

 

Dialogue permanent

Une telle prise en charge des effets visuels ne peut se faire sans une parfaite coordination avec les équipes de tournage. « Il est évident qu’un travail de cette envergure ne peut s’envisager sans une totale coopération avec les différentes équipes sur place et nous-mêmes. Même si nous intervenons principalement en aval dans le processus de création, lorsque le montage est presque bouclé, nous sommes partie prenante de l’organisation dès les premiers jours de tournage. » Le rôle de Benuts consiste surtout à accompagner et expliquer au réalisateur les possibilités offertes par les effets spéciaux, tout en privilégiant la liberté artistique de celui-ci. « On essaye, autant que faire se peut, d’être souple et léger au niveau des contraintes afin de ne pas contrecarrer la marge de manoeuvre de l’équipe du film, qu’il s’agisse de mouvement de caméra, d’incrustation d’éléments, de rendu, etc. »

Mais pour une fois dans ce domaine, les limites ne sont pas imposées par la machine, mais par l’homme. En l’occurrence, on parlera ici de limite budgétaire. « Comme souvent, tout est une question de coût. Une partie de notre travail consiste aussi à rendre un cahier des charges précis sur ce qu’il est possible de réaliser, et dans une fourchette de prix acceptable par la production. Même si, grâce au tax shelter et à différents partenaires institutionnels, le secteur se porte relativement bien, le cinéma franco- belge ne peut pas vraiment rivaliser sur ces questions- là avec les machines de guerre anglaises ou américaines. » Il faut donc pouvoir proposer la bonne formule. La force de Benuts réside dans sa souplesse, qui lui permet de mener plusieurs projets de front en collaborant avec de nombreux graphistes freelance qui viennent renforcer l’équipe quand le besoin se fait sentir. « Sur certains films, on peut monter jusqu’à 30 graphistes ; sur d’autres, l’équipe sera plus réduite. Cette flexibilité nous permet de nous adapter sans contrainte aux demandes de la réalisation. » En 2015, ce sont près d’une quinzaine de films qui ont ainsi eu recours aux talents des petites mains expertes de Benuts. Enfin, si le cinéma et la télévision représentent 95 % de ses activités, une petite incursion dans le domaine de la musique, fort remarquée, a permis à l’entreprise de toucher un public beaucoup plus large. « Notre collaboration avec Stromae est vraiment particulière et enthousiasmante, sourit Michel Denis. Au départ, nous devions juste réaliser une leçon de Stromae. Puis, devant le succès rencontré, on nous a demandé d’assurer l’entièreté des effets visuels sur sa tournée Racine Carrée. » Une prestation qui a permis au chanteur belge de remporter une victoire de la musique pour le meilleur spectacle ! « On a ensuite entièrement réalisé un autre clip, Quand c’est, qui a rapidement dépassé les six millions de vues en trois jours ! » Une petite incursion donc, mais aux grandes retombées qui pourraient, qui sait, donner des idées à Benuts pour de futurs projets.

 

www.benuts.be

 


 

LE TAX SHELTER, UN OUTIL INDISPENSABLE

Aucun professionnel du cinéma belge n’ignore son existence. Il faut dire que, depuis sa création en 2004, cet incitant fiscal a directement profite au secteur dans son ensemble. Benuts, comme d’autres, a su saisir l’opportunité pour développer ses activités et participer à placer l’industrie du cinéma belge sur la carte. En pratique, toute société qui investit dans la production d’œuvres audiovisuelles bénéficie d’une exonération fiscale à hauteur de 150 % du montant investi. Une aubaine pour de nombreux investisseurs qui ont ainsi injecte près de 200 000 000 € l’an dernier ! Une manne financière indispensable pour la bonne santé du cinéma belge, mais qui ne peut s’organiser sans quelques conditions évidentes :

1. la société de production doit être résidente en Belgique ou y disposer d’une succursale ;

2. l’investisseur doit être résident belge ou disposer d’une succursale dans le pays ;

3. le total des sommes investies ne peut excéder plus de 50 % du budget total de la production ;

4. l’œuvre audiovisuelle doit être agréée par les services compétents (à savoir, les différentes Communautés du pays) ;

5. la société de production doit dépenser en Belgique au moins 150 % des investissements en matière de droits pour la production de l’œuvre audiovisuelle, dans un délai de 18 mois.

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