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Calyos - La révolution silencieuse

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Hainaut  / Seneffe

Par Gilles Bechet

En développant une technique de refroidissement passive sans ventilateur et sans pompe, Calyos arrive sur le marché avec une technologie de rupture qui lui ouvre de prometteuses perspectives.

 

Janvier 2017, CES Las Vegas. Le Consumer Electronics Show est le rendez-vous incontournable des geeks de la planète à l’affut des indispensables de demain. Au stand 26904, la technologie révolutionnaire d’une PME de chez nous fait le buzz. Du jamais vu, jamais entendu. Concourant dans les catégories Gaming et Computer Hardware, elle décroche à chaque fois la première place. Pas mal pour une start-up qui comptait encore quinze personnes douze mois plus tôt. La raison de cette effervescence ? Un PC doté d’un système de refroidissement passif qui n’émet pas le moindre bruit et qui fonctionne en circuit fermé et sans eau.

Cette incroyable aventure a commencé quelques années plus tôt avec Olivier de Laet. Ingénieur diplômé de l’ULB, il participe à la création d’EHP (Euro Heat Pipes), spin off qui externalise un département de la SABCA dédié à la régulation thermique. L’objectif est d’exploiter une technologie de refroidissement sans air et sans moteur qui sommeillait depuis des années dans un des tiroirs de l’avionneur. Le marché visé est celui du spatial où les conditions extrêmes, et notamment l’absence d’air, que connaissent les satellites en orbite autour de la terre exigent des solutions fiables et économes en énergie pour refroidir toute l’électronique embarquée. En 2011, Olivier De Laet crée Calyos pour cette fois se tourner vers des applications « terrestres ». Le savoir-faire et la technologie d’EHP, désormais parfaitement maîtrisés, permet d’offrir des solutions technologiques innovantes et à bas coût dans de nouveaux domaines. Le premier est celui du matériel ferroviaire qui débouche sur une collaboration avec Alstom et se concrétise par un système de refroidissement pour les rames du métro parisien. Mais d’autres secteurs s’annoncent prometteurs comme ceux des data centers et des PC.

Un système scellé

Que peut-on dire sur cette technologie au cœur de l’innovation d’EHP, puis de Calyos ? Tout est parti d’un brevet déposé par un ingénieur russe dans les années 1970 et enrichi par les applications déposées au début des années 1980 aux États-Unis par Stephen Fried, directeur technologique de la firme informatique Microway. Longtemps, cette technologie a fait du surplace faute d’avoir pu être mise en œuvre de façon convaincante. Le principe du Loop Heat Pipe (LHP) est celui d’un système de refroidissement scellé composé d’un évaporateur et d’un condensateur reliés par deux flexibles. Il contient un gaz qui permet de vaporiser et puis de condenser la chaleur dégagée par un système mécanique ou électronique. L’avancée décisive concerne l’évaporateur qui est, en quelque sorte, la boîte noire du système. Chez Calyos, seules trois personnes connaissent sa composition exacte et ses concepteurs n’ont pas voulu breveter le procédé pour éviter de laisser la moindre trace écrite. « Dans les milieux industriels, beaucoup étaient sceptiques » précise Elisa Wolf, Marketing Manager « parce que toutes les tentatives précédentes avaient échoué pour une raison ou une autre. Stephen Fried, aujourd’hui très âgé, nous a donné son feu vert. Il était très heureux de voir son invention mise en pratique et de pouvoir montrer ainsi qu’il n’était pas un doux rêveur ! »

Un marché important

Le refroidissement est une des préoccupations majeures des gestionnaires de data centers. Les serveurs et les baies de stockage doivent être maintenus à une température de 20°. Toute sur
chauffe induit un surcoût énergétique et une possible détérioration des éléments du système. Les petites unités de refroidissement sont logées dans des tiroirs régulièrement insérés dans les murs de données. On en compte plusieurs milliers pour un data center de bonne taille. « C’est un marché important » souligne Elisa Wolf. « Notre technologie est complètement au point. On prend la chaleur dégagée par les composants électroniques et on va la sortir pour la refroidir dans le radiateur sans souffler de l’air et encore moins faire circuler de l’eau. Cela permet de diviser le prix final de la consommation énergétique par trois ou quatre. » Deux types d’arguments séduisent les clients. Il y a ceux qui souhaitent baisser leur consommation d’électricité et puis ceux qui veulent développer une plus grande puissance de calcul dans leurs serveurs tout en maintenant la même température de fonctionnement. Si la technologie existe et a prouvé qu’elle est performante, elle doit être adaptée à chaque environnement, ce qui est un processus assez long. « Pour que cela soit rentable, il faut tout changer, ce qui représente un investissement énorme. Tant qu’il n’y a pas de retour sur utilisation, les entreprises restent frileuses. C’est le problème que rencontrent toutes les nouvelles technologies de rupture. » Calyos est en contact avec quelques grands gestionnaires de centres de données, mais préfère à ce stade rester discret sur leur identité.


Le refroidissement est une des préoccupations majeures des gestionnaires de data centers. Les serveurs et les baies de stockage doivent être maintenus à une température de 20°. Toute surchauffe induit un surcoût énergétique et une possible détérioration des éléments du système. 


 

L’ouïe fine

L’intérêt pour l’autre grand marché, celui du PC, a été amorcé par la présentation d’un premier prototype « fait maison » dans un salon en Allemagne. « Pour mettre en valeur les atouts de notre technologie passive, il nous a semblé plus pratique de montrer un PC fonctionnel assemblé à partir d’éléments électroniques disponibles sur le marché. » Ce premier prototype pesait trente-cinq kilos, mais a tout de suite fait tourner pas mal de têtes par son silence et son très faible dégagement de chaleur au vu de la puissance de sa carte graphique particulièrement vorace en énergie. En l’absence de pompe, le PC passif de Calyos élimine déjà une source de panne et, comme il n’y a pas de mouvement d’air, il n’y a pas de poussière. Le plus immédiatement remarquable reste l’absence du bruit caractéristique des ventilateurs. « Certains utilisateurs m’ont toutefois dit qu’ils entendaient le grésillement des composants électroniques ! » Mais là, il faut vraiment avoir l’ouïe fine.

Les premières réactions positives venant des fabricants de PC et des techno-geeks ont encouragé Calyos à se présenter à Las Vegas avec une machine plus compacte, le NSG-S0. Le nom, résultat de nombreuses heures de brainstorming, est l’acronyme de Never Stop the Game qui souligne la longévité de la machine quand on fait tourner un jeu.

Autre perspective intéressante pour Calyos, la firme américaine Supermicro l’a approchée pour la création d’un PC compact. Aujourd’hui encore au stade de prototype, il devait être disponible dans les circuits de distribution grand public après septembre 2017, dans le meilleur des cas.

Production limitée

Plus près de nous, Calyos s’apprête à lancer une campagne Kickstarter pour financer la production en quantité limitée de la vedette de Las Vegas, le NSG-S0. « À terme, la société ne souhaite pas faire de la vente directe au consommateur. Mais beaucoup de gens ont du mal à comprendre qu’on ne vend pas de PC. Le marché est encore balbutiant, alors cette campagne kickstarter vise à tester l’intérêt d’un public de niche et rassurer les industriels du secteur. On veut se positionner comme des intermédiaires entre des fabricants et des assembleurs. Notre nom est d’ailleurs appelé à disparaître complètement des produits. » La production ne devrait pas dépasser les 1000 pièces. Ces PC mis en vente pour un prix aux alentours de 1 500 € sont des ordinateurs de salon, destinés avant tout au gaming, à la lecture vidéo et aux activités récréatives. « En raison de nos autres projets et commandes, nous essayons de trouver un juste milieu entre la satisfaction de tous ces gens qui nous contactent au quotidien pour acquérir le PC présenté au CES et nos commandes B2B comme celle de Supermicro ou celles que nous amorçons avec les acteurs du secteur Data Center. »

Équipes polyvalentes

Depuis août 2017, Calyos occupe une nouvelle implantation à Jumet. Un bâtiment tout blanc d’un étage où l’entreprise concentre la recherche et développement et la production de leur technologie unique. Dans le hall trônent les machines qui ont fait sensation à Las Vegas, ainsi que le prototype du NSG-Cube que Calyos développe avec Supermicro. On peut également admirer le système qui équipe le métro de Paris et qu’Alstom garantit pour 50 ans !

Calyos occupe aujourd’hui une trentaine de personnes dont une moitié d’ingénieurs. Les équipes sont polyvalentes et s’adaptent en fonction des priorités des clients. Un grand espace à l’arrière du bâtiment a été réservé aux chaines de production qui doivent encore être customisées pour atteindre leur vitesse de croisière. Pour son financement, Calyos a bénéficié d’un peu plus d’1 million d’euros investis par la Région wallonne pour la R&D auxquels s’ajoutent environ 500 000 € pour l’aide à l’investissement. L’entreprise est également soutenue par des fonds privés et l’AWEX.

À l’horizon 2018, Calyos prévoit de produire 10 000 boucles de refroidissement par an. L’entreprise va sous-traiter toutes les éléments où elle n’apporte pas sa valeur ajoutée. Calyos envisage l’avenir avec confiance même s’ils se savent surveillés par d’autres. Leur seul véritable concurrent est Master Cooler, poids lourd chinois du secteur. « On a quand même beaucoup d’avance, on a une dizaine d’années de développement derrière nous. » La PME veut cependant rester prudente et envisage le développement étape par étape. Il est clair que le passage au CES a changé la donne. « On a fait des plans sur plusieurs années, l’objectif est de vendre du cooling à des clients industriels, pas au grand public. Mais il faut rester réactif car on n’est pas à l’abri d’un remaniement total. Peut-être que dans un an, on vendra quand même des PC. » Non seulement Calyos inverse les flux économiques habituels en exportant sa technologie vers les pays producteurs d’informatique, mais sera peut-être un jour à l’origine du premier PC wallon !

www.calyos-tm.com


Calyos occupe aujourd’hui une trentaine de personnes dont une moitié d’ingénieurs. Les équipes sont polyvalentes et s’adaptent en fonction  des priorités des clients. Un grand espace à l’arrière du bâtiment a été réservé aux chaînes de production qui doivent encore être customisées pour  atteindre leur vitesse de croisière. 


 

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